1 août 2017

L’émigration au Canada (suite)

Emigrés au Canada :   les Jobin d'Amfreville-sous-les-monts

Emigrés au Canada : 

les Jobin d'Amfreville-sous-les-monts

Emigrés au Canada :   les Jobin d'Amfreville-sous-les-monts
Oncle et neveu, Jean et Charles Jobin, étaient originaires d'Amfreville-sous-les-monts. Jean avait épousé en 1639 une Marie Girard, fille d'un laboureur, paysan aisé, de Saint-Cyr du Vaudreuil. Il s'était établi comme tailleur à Paris, rue Tirechappe (aujourd'hui rue du Pont–neuf).
Ils seront au Canada le point de départ d'une famille...
Emigrés au Canada :   les Jobin d'Amfreville-sous-les-monts

Le Canada au début du XVIIème siècle

Emigrés au Canada :   les Jobin d'Amfreville-sous-les-monts - Le Canada au début du XVIIème siècle
Les Français se sont établis en permanence dans la vallée du Saint-Laurent et en Acadie. Richelieu crée la Compagnie des Cent Associés, lui attribue le monopole du commerce, lui concède la Nouvelle France en seigneurie, lui faisant obligation d’y amener des colons. Une population agricole prend souche autour de Québec, l’activité principale restant le commerce des fourrures.

L’Eglise catholique commence à jouer un rôle dans le développement de la colonie. Nous l’avons vu dans le précédent article qui s’arrêtait à la mort de Champlain en 1635 (voir n°5). Le premier évêque sera François de Laval, né à Montigny-sur-Avre dans l’Eure. Ses premiers actes seront de protéger les indigènes victimes de marchands peu scrupuleux en interdisant la vente des boissons alcoolisées.

C'est en 1667 que Jean Jobin et son neveu Charles arrivent en Nouvelle France. Originaires d’Amfreville-sous-les-Monts, ils étaient maitres tailleurs d’habits à Paris.

La population immigrée de la Nouvelle France n'atteint alors pas 10 000 personnes. Les Iroquois, agriculteurs semi-sédentaires, alliés aux Hollandais et aux Anglais, font la guerre aux Français qui sont alliés aux Hurons. Les guerres avec les Iroquois s’aggravent de 1641 à 1665 puis de 1685 à 1701 date à laquelle est signée la Grande Paix de Montréal.

Champlain avait compris que pour s’assurer « l’amitié des alliés indiens », il fallait les assister dans leurs guerres d’où les raids anti-iroquois aux côtés des Hurons et des Algonquins (la tribu algonquine des Micmacs appelle les européens des « normands » ce qui marque bien leur présence prédominante). Les Iroquois s’acharnèrent contre les missionnaires français (martyre du jésuite Jean de Brébeuf et de ses sept compagnons).

Louis XIV décide de dissoudre la Compagnie et de faire de la Nouvelle France une colonie royale. Jean Talon est envoyé en 1665 comme intendant, le marquis de Tracy étant gouverneur. Sa première préoccupation est d’accélérer le peuplement du territoire, le Canada ne comptant que 2500 habitants en 1663, avec un excédent masculin. En une dizaine d’années 2000 personnes, dont la famille Jobin, sont attirées au Canada. On y envoie alors les filles du Roi…

Les Filles du roi étaient des jeunes femmes choisies par le roi de France qui devaient immigrer en Nouvelle-France au XVIIe siècle pour s'y marier et établir une famille afin de permettre de coloniser le territoire. Le Roi de France agissait comme un tuteur (leur père) en payant les frais de leur voyage ainsi qu'une dot lors de leur mariage. Cette dot était ordinairement de 50 livres. Elles étaient souvent orphelines et d'origine modeste, et à 81% d'origine urbaine ou semi-urbaine.
Elles sont entre 700 et 1000 à être envoyées en Nouvelle-France. Dix ans après leur arrivée, la population de la Nouvelle-France avait doublé.
Envoyées par Louis XIV à la demande de l’intendant Jean Talon, elles avaient en général entre 15 et 30 ans, et venaient pour la plupart des orphelinats des villes côtières telles que Honfleur, Dieppe ou La Rochelle, des Hôpitaux généraux de Paris, des hospices où étaient gardés les pauvres, les enfants abandonnés, etc. Elles débarquaient avec une dot du roi (qui était généralement une draperie et quelques articles ménagers), qui parfois n’était même pas versée et, six mois plus tard, elles étaient généralement mariées. (source : Wikipédia)

Les premiers Jobin vivront cette époque très positive. La colonisation agricole progresse : chaque exploitant était en devanture du fleuve Saint-Laurent et s’étendait plus ou moins en profondeur. C’était le rang. A la fin du régime français, les rives du fleuve étant presque entièrement occupées, on ouvrit les seconds rangs, plus éloignés de l’eau et accolés aux chemins. Le colon ne payait ni gabelle ni taille et vivait mieux qu'en France.

L’activité principale la plus lucrative restait le commerce des fourrures, la chasse et une partie du transport était assuré par les Amérindiens. Les guerres iroquoises ayant gravement perturbé les arrivages de fourrure à Montréal, les Français décideront d’aller les chercher eux-mêmes. Ainsi apparait le coureur des bois, qui stimule l’exploration de l’intérieur du continent. En 1682, Robert Cavelier de la Salle descend le Mississipi jusqu’à son embouchure : le pourtour des grands lacs et le pays des Illinois sont intégrés à l’empire commercial français, préparant la fondation de la Louisiane. La Nouvelle France est alors formée de trois colonies :
Emigrés au Canada :   les Jobin d'Amfreville-sous-les-monts - Le Canada au début du XVIIIème siècle
– le Canada, c'est-à-dire la vallée du Saint-Laurent avec le pays d’en haut, les grands lacs,
– l’Acadie, région orientale convoitée par ses voisins anglais, tour à tour perdue et récupérée, elle est cédée à l’Angleterre au traité d’Utrecht en 1713
– la Louisiane, à laquelle est rattaché l’Illinois.

L’immigration avait presque cessé à cause des guerres de Louis XIV. En 60 ans (de 1680 à 1740) il ne viendra que 5000 immigrants. Par contre la population s’accroit naturellement et passe de 16 000 à 70 000 âmes.

Les Canadiens affichent un sentiment d’appartenance distinct. La plus grande liberté dont ils jouissent dans ce pays neuf les rend plus libres que leurs homologues en métropole sans pour autant créer une société égalitaire.

Au cours de son histoire, la majorité des colons du Canada viennent de 3 grandes régions françaises : Poitou - Aunis - Saintonge, Normandie - Perche, Ile de France - Picardie.

Au cours de la guerre de 7 ans (1756-1763), que les historiens québécois appellent "la guerre de la conquête", les troupes françaises et canadiennes expulsent les américains de la vallée de l’Ohio forçant le jeune Georges Washington à capituler. Les Acadiens refusent de prêter serment à la couronne britannique et en 1755 sont déportés dans diverses colonies anglaises. Ce sera « le grand dérangement » qui laissera une trace profonde dans leur mémoire.
Au traité de Paris en 1763, la France cède le Canada à l'Angleterre, et entre 1760 et 1770 près de 2000 Canadiens rentrent en France mais beaucoup retourneront au Canada, ne pouvant s’adapter à la métropole.

            La langue du Québec garde de nombreuses traces du parler normand : ainsi calumet vient d'un ancien mot normand pour chalumeau, pipe, champelure = un robinet, croche = tordu, gricher = grimacer, asteure = à cette heure, maintenant, tant pire = tant pis, boucaner = fumer ou entrer en colère, frète = froid, itou = aussi, mi-aout = quinze août, mitan = moitié, milieu, racoin = recoin, etc.

Le déclenchement de la guerre d’indépendance américaine provoque chez les Anglais la crainte que le Québec ne se joigne au soulèvement. L’alliance des Français (Lafayette) et des indépendantistes américains suscite des espoirs chez les Canadiens.

La population française augmentant rapidement grâce à sa forte natalité, "la revanche des berceaux", les gouverneurs anglais doivent faire des concessions : en 1774, par l’Acte de Québec, les lois civiles françaises sont rétablies et la religion catholique reconnue.
Emigrés au Canada :   les Jobin d'Amfreville-sous-les-monts - L'arrivée de migrants en Nouvelle-France au XVIIIème . © Cap aux diamants
L'arrivée de migrants en Nouvelle-France au XVIIIème. © Cap aux diamants
           
L’accroissement de la population canadienne française va de 70 000 après la conquête à plus d'un million à la fin des années 1830. Après les guerres napoléoniennes, un exode massif de militaires s’établit grâce aux autorités qui accordaient terres et provisions. Il y eut 120 000 immigrants entre 1827 et 1832.
La situation se complique à cause des antagonismes persistants entre les anglais protestants, commerçants et financiers et les français catholiques et agriculteurs.

En 1834 le Parti Patriote lance un programme d’autonomie politique. Le gouvernement arrête les principaux chefs patriotes dont certains s’enfuient aux Etats-Unis. André Jobin, notaire à Montréal fut l’un des premiers patriotes appuyant constamment le Parti Patriote à l’Assemblée, et dut se cacher 5 mois en 1837-38. Le gouverneur anglais, maladroit, sera désavoué par Londres qui dotera le pays d’une nouvelle constitution. En 1848 le français est restauré comme langue officielle.

Une vague d’émigrants attirés par l’abondance du travail et des terres déferle... La production agricole double, les villes grandissent ainsi que les pêcheries et les constructions navales dans les provinces maritimes. Plus de 3 millions d’immigrants arrivent pendant les 15 années qui précèdent la 1ère guerre mondiale.
Emigrés au Canada :   les Jobin d'Amfreville-sous-les-monts - Le Roi George V et le Field Marshal Haig regardant des bûcherons canadiens au travail dans une forêt française (National Library of Scotland)
Le Roi George V et le Field Marshal Haig regardant des bûcherons canadiens au travail dans une forêt française (National Library of Scotland)
En 1914 les Canadiens s'engagent dans le conflit : sur 8 millions d’habitants, 600 000 prennent les armes, volontaires pour la plupart, et 52 000 resteront sur les champs de bataille.

La capitulation de la France en 1940 amènera le Canada à jouer un rôle important dans le soutien à l’Angleterre puis dans la victoire sur le nazisme. Des troupes canadiennes participeront au Débarquement, à la Libération et contribueront à repousser les Allemands de la vallée de l'Andelle.


Bibliographie

Histoire du Canada Paul André Linteau collection Que sais-je
Canada, guide VOIR Hachette
Les premiers français au Québec sous la direction de Gilbert Pilleul collection vie d’autrefois Archives et culture 2008
Revue Française de Généalogie n° spécial 400eme anniversaire du Québec
L’Eure berceau de célébrités, Cercle généalogique de l’Eure archives départementales
Cercle généalogique de l’Eure, Amfreville sous les Monts, mars 1998
Le Jobinfo, journal de l’Association des familles Jobin d’Amérique
Jean Raspail, En canot sur les chemins du Roi, Livre de Poche, Albin Michel 2005
Fabienne Thibeault, la fille du Saint-Laurent, éditions du Moment 2011
Louis Hémon, Maria Chapdelaine éditions Catherine Fayard et Cie, 1931
Collection des manuscrits contenant lettres mémoires et autres documents historiques relatifs à la Nouvelle France, Québec 1884, volume III, Québec 1885 volume IV



Nicole de Cournon




Malgré le grave accident dont il a été victime, Hubert Labrouche, président de la Société des anciens et amis de la batellerie de Poses, et par ailleurs membre de notre association, vient de faire paraître Le halage sur la Seine à Poses aux XVIIIe et XIXe siècles, que vous pourrez trouver auprès de notre association, avec les derniers exemplaires de son ouvrage précédent, Le village de Poses sous la Troisième république.
Le halage sur la Seine à Poses aux XVIIIe et XIXe sièclesLe village de Poses sous la Troisième république

Un article de sa plume sur l'histoire des barrages de Poses, résumé de sa conférence de l'an dernier, paraîtra dans notre prochain numéro.
Exposition sur la guerre 14-18
En septembre, à l’occasion des journées du patrimoine, Guy et Nicole de Cournon ont ouvert les portes du Manoir de Senneville à plus de 400 visiteurs. Accompagnés par une petite fille de la famille, Serge Petit ou Yvette Petit-Decroix, chacun a pu découvrir l’histoire du manoir et la qualité de sa restauration, avant de s’arrêter dans l’ancienne charreterie où, en partenariat avec notre association, étaient exposés divers objets et documents relatifs à la Grande guerre.
Exposition  sur la guerre 14-18 Manoir de Senneville
Cette exposition, remaniée et étoffée, sera présentée à la Bibliothèque de Pîtres à partir de la mi-mai, pour recevoir public adultes et scolaire.
Nous remercions ceux qui nous ont prêté des documents et des objets, et par avance ceux qui répondront à notre appel de page 1.